L'Allemagne, derrière ou en dépit d'une démagogie
antieuropéenne croissante au sein de son opinion publique, tisse la toile de sa
conception de sortie de crise. Après un coup de massue moral imposant un défaut
grec organisé et une hyper-rigueur d'urgence contrôlée par l'administration
européenne, l'Allemagne entend s'attaquer aux faiblesses politiques de l'Europe
pour donner à l'Europe plus de légitimité démocratique, et donc en cela mieux
répondre aux questions embarrassantes du Tribunal de Karlsruhe.
La France, affaiblie tant par la médiocrité de ses
performances économiques et financières que par le traumatisme du Non au Traité
Constitutionnel de 2005 cherche une voie plus prosaïque. Elle n'a tout d'abord
d'autre choix que de tenter de regagner un peu de crédibilité en montrant
qu'elle sait, elle-aussi, s'astreindre à la rigueur budgétaire ambiante. Mais
elle doit aussi bruyamment demander à l'Europe de se montrer plus solidaire pour
mieux tenter de revendre l'Europe à nos concitoyens.
Tout cela est compréhensible et relativement logique,
mais tout cela reste à mes yeux un grand gaspillage, voir un réel danger, car
ces deux agendas, l'un trop théorique, l'autre trop pragmatique, évitent
d'analyser les raisons de la crise, évitent de
nommer les responsables, et donc ne permettent ni d'en tirer les leçons,
ni de tourner vraiment la page. Là où la pédagogie pourrait s'avérer être le
meilleur instrument et pour renforcer l'Europe et pour rallier les suffrages en
faveur de l'Europe, on esquive un débat pourtant facile, et on s'apprête une
fois de plus à flouer le bon peuple que l'on va finir par rendre farouchement
antieuropéen.
La crise nous
offre une excellente occasion de rebattre les cartes, d'enfin bâtir une Europe vraiment
responsable, las, on se contente, toujours et encore, de surfer sur la gamme
des seules psychologies des opinions publiques nationales pour affronter sans
trop de peine le prochain obstacle.
On peut à la limite comprendre que Madame Merkel soit
prise au piège de sa propre responsabilité dans les origines de la crise, mais
le Président Français n'a pas ce handicap. Il devrait en la demeure lister avec
bonheur toutes les erreurs de son prédécesseur en matière européenne. N'a-t-il
pas été le plus ardent défenseur, pour ne pas dire la triste caricature, de
cette Europe intergouvernementale, bruyante mais impuissante, qui nous a mené à
la ruine?
La solidarité est sans aucun doute nécessaire et
louable, le Président de la République a tout à fait raison, elle est au coeur
du projet européen; mais la désignation des coupables est tout aussi utile pour
comprendre nos erreurs, canaliser l'indignation, répondre aux justes frustrations des
citoyens, et enfin reprendre la voie d'un Jean Monnet que nous trahissons
depuis le Traité de Nice.
Qui n'a pas su faire appliquer Maastricht? Qui a
transformé la stratégie de Lisbonne ou l'agenda 2020 en vaste plaisanterie? Qui
sont les membres du Conseil, les Présidents de la Commission, les Commissaires,
qui n'ont pas su faire respecter les textes, voire les dépasser pour mieux en
défendre l'esprit? Qui a détricoter l'Europe communautaire au moment même où
nous nous donnions une monnaie commune?
Haro sur cette approche intergouvernementale, cet
affaiblissement de l'esprit communautaire, qui sont les deux véritables cancers
de notre Europe. Tournons-donc en conscience la page de cette Europe coupable
et asseyons de nouvelles idées, pas si nouvelles que cela d'ailleurs. Retour à
Jean Monnet et à ses partisans!
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